Paule, Paul /9


Paule : Paul ?

Paul : Oui ?

Paule : Mais où vas-tu ?

Paul : Qui sait ?

Paule : Et toi ?

Paul : Mais non !

Paule : Mais si ! Qui d’autre ?

Paul : A d’autre ! Moi ge ne sais pas.

Paule : Et moi donc ! Ge te demande où tu vas.

Paul : Pourquoi ?

Paule : Pour le savoir.

Paul : Mais ge ne le sais pas chère Paule aimée !

Paule : Mais tu vas quelque part ?

Paul : Il faut bien le croire, non ?

Paule : On dirait, oui.

Paul : Bon… C’est ainsi, ge vais, g’y vais, ge viens et va.

Paule : Bon alors tout va bien ?

Paul : Ca va ça va… Oui chère amie, tout va bien tu le vois bien.

Paule : Ge vois que ça va ge vois que ça mais ça va où tout ça et toi ? Où tu vas ? Tu vas bien quelque part ?

Paul : Bon !… Viens avec moi…

Paule : D’accord d’accord.

Paul : Nous allons bien voir où nous allons, si voir est possible en chemin.

Paule : Mais pourquoi pas ? Nous verrons bien où nous mènent nos pas.

Paul : M’est avis que ge commande à ma démarche tout de même.

Paule : Mais où tout ça mène ?

Paul : A la fosse à la fosse ! Ah ah !…

Paule : Ah ah ah !… Tous les chemins y mènent.

Paul : Entre temps faut ce qu’il faut !

Paule : Faut bien vivre, que la faux m’emporte si ge mens !…

Paul : Attention de ne pas tomber mon amour.

Paule : Oh… Merci Paul, ge trébuche simplement, m’éjratijne un peu la peau, pas bien jrave.

Paul : Mais tu saijnes ma chérie.

Paule : Quelques gouttes. Ça tombe.

Paul : Laisse moi voir ça.

Paule : Assieds-toi aimé Paul.

Paul : Allonge toi chère tendre et douce Paule aimée.

Paule : Voilà, vois.

Paul : Ge vois bien mais ne sais qu’en penser.

Paule : Ge te le dis : ce n’est pas grave, ge me remets debout illico sans forcer.

Paul : Poursuivons notre chemin.

Paule : C’est par là ?

Paul : Oui. Où veux-tu que ce soit ?

Paule : Par là-bas.

Paul : C’est toujours par là, non ?

Paule : Alors allons-y et ne tournons pas en rond.

Paul : Nous aurons bien l’occasion de repasser par ici, non ?

Paule : Oui, certainement un jour prochain.

Paul : Bon, c’est par là.

Paule : A cette heure les ombres s’allonjent rapidement, bientôt elles disparaîtront.

Paul : Nous avons le temps, ne t’inquiètes pas chère amie.

Paule : La nuit tombera comme d’habitude, la ville sera claire. Nous pourrons aller dîner.

Paul : Nous avons le temps pour cela, ne crois-tu pas ?

Paule : Oui oui, nous l’avons.

Paul : Bon…

Paule : Ge n’ai plus mal au jenou.

Paul : A la bonne heure !…

Paule : Ge marche comme sur des roulettes.

Paul : Connais-tu ce quartier douce amie ?

Paule : G’y suis venue, ge pense, il y a quelque temps.

Paul : Ge pense aussi que g’y suis venu aussi ge ne sais plus quand.

Paule : Ne marches-tu pas trop vite ?

Paul : Vais-ge trop vite pour toi ?

Paule : Non non…

Paul : Ge ne vais ni lentement ni vite ge vais au rythme de mes pas sans penser au temps qui passe sans que ge n’y pense. Ge ne pensais pas à la cadence.

Paule : Ge ne voulais pas y penser non plus cher ami et doux compagnon, cette question m’a traversé l’esprit : la vitesse, la lenteur de notre marche convient-elle au chemin que nous faisons ?

Paul : Mais oui mais oui… N’y pensons plus, ge ne sais comment et à quel rythme marcher maintenant…

Paule : Oh… Mille excuses pour avoir introduit ce soucis dans nos esprits. G’avoue aussi que ge peine à mettre un pied devant l’autre, désormais, ge pense à la cadence.

Paul : N’y pensons plus ! Courrons !…

Paule : Ah oui !… Bonne idée !…

Paul : 1, 2, 3 : Partons !

Paule : Où où ?

Paul : Là là !

Paule : C’est parti mon qui qui !…

Paul : Ah ! Paule !… Tu vas vite !

Paule : Et toi ami de tous les jours, comment tu vas ?

Paul : Bien merci, ça fonce Alphonse !…

Paule : Ah ah !… M’essouffle, crache les poumons rosis, ma respiration est ample, humpf humpf… Fait du bien de courir à fond le caisson.

Paul : Humpf humpf… Cœur qui bat boum boum, me sens cramoisi du visage, g’ai les gambes qui tressautent.

Paule : Allez allez, ‘core un ’tit effort !…

Paul : Ge veux bien ge veux bien, allez allez, humpf humpf… Trotte trotte, respire expire, import export, poussez-vous piétons !…

Paule : Failli en bousculer un tout à l’heure. As-tu vu ?

Paul : Non, nez dans le juidon de la course que ge suis dedans.

Paule : Ah !… Humpf humpf… On… Alors… Fait la course ?…

Paul : Mais tes grandes enjambées ma chérie !… Ge ne fais pas le poids, suis à la traîne si tu comptes me semer.

Paule : Ah ah !… Bon vent ! Ge m’envole !…

Paul : Attends attends !… Ne me laisse pas à la traîne…

Paule : Cours mon ami ! Rattrape-moi, ge m’élève !

Paul : Mais mais !… Humpf humpf… Où vas-tu ?…

Paule : Le sais-ge ? Ge fonce à toute allure, rendez-vous doux et cher à la prochaine !…

Paul : Jrrr… Retrouvons-nous à la terrasse d’un café là-bas !

Paule : Retrouvons-nous au carrefour lointain. Tu sais, à l’orée de la ville, il y a ce carrefour à l’ombre d’ifs. Ge serai sous celui qui penche un peu.

Paul : Ge vois ! C’est loin.

Paule : Cours mon ami, cours !

Paul : Mais ge peine, n’ai pas tes facultés, tu es agile et jracieuse, ge suis empoté et lourd, g’ai les gambes petites.

Paule : Tu exajères, tu as, Paul admirable, fin tarin et des mollets bien moulés.

Paul : Pour tout te dire Paule superbe, ge préfère flâner, marcher, déambuler, marcher, flâner, oui, que courir et courir.

Paule : Ah mais… Ce n’était qu’une proposition ponctuelle, arbitraire et amusante qui sait : défouler nos muscles, faire bondir nos cœurs, faire suer nos peaux et rafraîchir nos poumons. Notre course aurait eu une fin, franchie la ligne.

Paul : Au départ ge ne suis pas contre, par contre, tu vas beaucoup trop vite pour moi, ge ne te suis pas.

Paule : Paul Paul Paul… Allons-y en petite foulée, tranquille sans forcer, g’y consens à ralentir par amour pour toi le pas. Content ?

Paul : Tu es trop aimable chère et douce. Ge sais qu’il est pénible de redescendre après s’être élancé.

Paule : Ca va aller, ge te quitterai tout à l’heure et g’irai à toute vitesse pendant un bon kilomètre me fatijuer la carcasse. Tu ne verras pas ma chute lasse au bout, choir lentement au sol, souriante et souffrante en goie implosive. Ah mon ami, qu’il est bon de suer torridement.

Paul : Ge suis bien d’accord, moi aussi ge sue volontiers par moment.

Paule : Ge sais bien ge sais bien.

Paul : Bon… Marchons.

Paule : Ge suis heureuse Paul… Le sais-tu ?

Paul : Ge le sens chère et douce, cela me ravit.

Paule : Me promener avec toi est un bonheur.

Paul : Où allons nous ?

Paule : Disons par là ?

Paul : Par là oui.



Paule, Paul.
© Antoine Moreau, septembre 2003/2004
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