Paule, Paul /7


Paul : Bonjour Paule.

Paule : Bonjour Paul.

Paul : A quoi penses-tu ?

Paule : Je me le demande. Et toi ?

Paul : J’aime mieux ne pas y penser.

Paule : Moi non plus.

Paul : Penses-tu que ce sera bientôt la guerre ?

Paule : Mais c’est la guerre de toute façon.

Paul : Ici ?

Paule : Et là. Ici la guerre est sourde.

Paul : Là-bas on la voit.

Paule : Ici on la sent.

Paul : Ne veux-t-on rien entendre ?

Paule : C’est un dialogue de sourds.

Paul : C’est criant, oui.

Paule : Brouhaha.

Paul : On dit c’est cool.

Paule : Tu parles…

Paul : Ce n’est pas moi qui le dit.

Paule : J’entends bien.

Paul : Bon. Qu’est-ce que c’est ?

Paule : C’est la guerre je te dis.

Paul : Drôle de guerre…

Paule : Hé !… Qui prend à dépourvu.

Paul : Qui la pensait ainsi ?

Paule : Un stratège ?

Paul : Non pas.

Paul : Personne alors.

Paule : Personne.

Paul : C’était impensable.

Paule : C’est incroyable.

Paul : Oh ma chère Paule, sous nos yeux, sous nos yeux.

Paule : Dans l’intestin ! Elle grouille.

Paul : L’intestin grêle.

Paule : La guerre est toute intérieure ici.

Paul : Nous sommes touchés.

Paule : Mais mais mais… Laisse-moi rire !…

Paul : Oh oh !… Je veux ! Ah ah !…

Paule : Hé ! Hé hé !…

Paul : Quelle blague !…

Paule : Wouarf mon ami !… Tu me tords le boyau.

Paul : Oh oh !… Je chavire. Tout s’écroule. C’est terrible.

Paule : Terrifiant.

Paul : Trop mortel.

Paule : Trop trop.

Paul : Tu ne sais pas ce que tu dis.

Paule : Oui, c’est vrai, tendre et doux ami. Je suis atteinte.

Paul : Tu n’es pas la seule, un jour ou un autre… Chacun est touché d’une façon ou d’une autre.

Paule : L’élégance quand on respire l’air qui arrive par les trous de nez impose de poursuivre le chemin pas à pas comme ça… Regarde les doigts... Au pif mais pile poil…

Paul : Drôle de danse.

Paule : Tous en rond, conjurons le sort !

Paul : En sortirons-nous vivants ?

Paule : Tu plaisantes !…

Paul : Ah ah ! Oui ! Grosse Berta !…

Paule : Oooh… Mon cher, vous allez vous prendre un gnon si vous me traitez ainsi.

Paul : Vas-y ma chérie, ma face t’est offerte au bleu. Le sang peut couler sur le sol par mon nez robinet, je m’en moque.

Paule : Mais ! Paul ! Que t’arrive-t-il ? Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce la guerre ou quoi ? Qu’est-ce ?

Paul : Je perds le nord, la boule tourne pas rond.

Paule : La tête au carré que le diable m’emporte si ça irait mieux au carré ! Sûrement pas là dit donc !…

Paul : Oui, chère et tendre amie, tu as raison. Me faut retrouver la face, je roule ma bosse cœur vaillant vaille que vaille et travaille du chapeau oh oh...

Paule : Couvre toi, je te vois souvent exposé aux vents, tes cheveux volent.

Paul : Je n’aime pas les couvre-chefs.

Paule : Amour, mets une gapette !

Paul : Mouais…

Paule : Ce n’est pas la paix ici ! Tu le sais bien ! Crève les yeux ça. Il y a luttes sans fins. C’est ainsi, c’est la vie, de repos, il n’y a qu’éternel.

Paul : En attendant je suis battu à plat de couture. Dépecé à l’air libre.

Paule : Mon pauvre ami, dans mes bras que je te câline.

Paul : Aaaah… Paule, que tu es bonne…

Paule : Je ne veux aucun mal.

Paul : Qui voudrait faire mal sauf à mal faire ?

Paule : Je ne vois pas, la terreur même est un art. La terreur même est un art ?

Paul : C’est la guerre qui est belle. C’est la guerre qui est belle ?

Paule : L’atroce est proche qui frôle hum hum...

Paul : C’est la chaise à bascule, la balançoire du dimanche !

Paule : Quel malheur tout de même !

Paul : Le bonheur du combat est un fait vrai. La lutte est un purgatoire joyeux soumis au jugement de l’histoire. Le paradis n’est pas loin.

Paule : Qui gagne, gagne sur tous les fronts, fronts. Ce n’est pas juste ! Ce sont toujours les vainqueurs qui gagnent qui ont raison, raison ! Malgré les crimes commis en voilà tu l’auras.

Paul : Mais si, chère amie douce, c’est juste ainsi. Que veux-tu? Qui gagne gagne. La raison va au bénéfice, pas au sacrifice !

Paule : Très juste oui… Trop juste quoi... De justesse le gain et pas de justice enfin.

Paul : Mais mais mais… Qu’est-ce qui serait juste au fond ? Que celui qui perde la guerre la gagne au fond du fond finalement enfin ?

Paule : Oui mon ami ! Et ainsi de suite, sans fin. Le perdant devient le gagnant qui devient le perdant et qui devient le gagnant et qui et qui et ainsi de suite. La roue tourne et l’histoire est tourneboulée. Hé !…

Paul : Mais ça n’a pas de sens !

Paule : Sens dessus dessous.

Paul : Les derniers sont les premiers.

Paule : Les perdants sont les gagnants.

Paul : Les premiers, les gagnants : toujours premiers et gagnants !

Paule : C’est une histoire. Une histoire totale. On se la raconte, on se la joue.

Paul : Faut bien se raconter des histoires pour s’endormir et le matin au lendemain, se réveiller à la conquête du jour qui naît, quelques acquis de la veille en souvenir.

Paule : A qui les belles paroles ? Aux gagnants du jeu. Les mots suaves des killers ensorcellent les losers.

Paul : Game over !

Paule : Play it again, Sam !

Paul : Well honey, I do must have some money to play again… Do you have, sweet love, any money for me ?



Paule, Paul.
© Antoine Moreau, septembre 2003/2004
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