Paule, Paul /5


Paul : Bonsoir Paule.

Paule : Tiens !… Bonsoir Paul.

Paul : As-tu le temps ?

Paule : Un peu, oui, je vais le prendre, pour toi cher et doux ami.

Paul : Le temps de faire un tour.

Paule : Plusieurs même.

Paul : Bon… Mais ce sera du temps perdu très certainement.

Paule : Oh… Je ne sais pas ce que c’est : « perdre son temps ».

Paul : Oui, tu as raison. Comment perdre son temps ?…

Paule : En ne faisant rien ?

Paul : On pourrait le croire.

Paule : En tournant autour du pot ?

Paul : La terre elle-même.

Paule : Mourir d’ennui, est-ce la victoire du temps ?

Paul : Attends attends…

Paule : Quoi ?

Paul : Hum… Je ne sais pas.

Paule : Alors ?…

Paul : Tu ne perds rien pour attendre.

Paule : Pardon Paul ?

Paul : Excuse-moi. Je ne sais pas ce que je dis.

Paule : J’avais compris.

Paul : N’as-tu rien d’autre à faire ?

Paule : Je ne m’en fais pas pour ça. Le temps viendra.

Paul : Tu parles…

Paule : Que faire d’autre ?

Paul : N’y a-t-il pas mieux à faire ?

Paule : Il ne faut pas s’en faire. Soit tranquille.

Paul : Mais j’ai le cœur qui bat.

Paule : Laisse-le battre. A la mesure du temps. Qui passe à travers. Tes poumons…

Paul : Ah !… Paule…

Paule : Oui mon ami. Que faire ?…

Paul : Mais je ne sais pas et pourquoi faire ?

Paule : Faire... Qu’y pouvons-nous faire ?

Paul : Nous pourrions faire du temps.

Paule : Cela se peut-il ?

Paul : Ah !…

Paule : Oh !…

Paul : Suffit de le prendre, non ?… Le temps est à prendre.

Paule : Ben oui.

Paul : Bon.

Paule : Ainsi là, nous fabriquons du temps ?

Paul : Hé !… Paule d’amour !… Nous pensions le perdre, non ?

Paule : La question se posait si je me souviens bien.

Paul : Perds-tu la mémoire chère et douce amie ?

Paule : Je le crains, oui. Je perds mes moyens, la mémoire, mais aussi l’esprit, je crois bien.

Paul : Aaargh… Ma pauvre amie, te voilà qui travaille du chapeau… Change de gapette, mets-toi deux secondes à l’ombre.

Paule : Deux secondes suffiront ?

Paul : C’est une impression.

Paule : Je crois bien que je vais m’allonger au ras du sol.

Paul : Continuons notre chemin, magnifique amie. Si tu le veux bien.

Paule : Oui, mais laisse moi choir au sol deux minutes.

Paul : Je t’en prie. Imprime en toi la fraîcheur de l’herbe rase.

Paule : Merci. Je ferme les yeux.

Paul : Il fait nuit, les lumières brillent, les trottoirs sont mats autour.

Paule : En rentrant je me connecterai au net.

Paul : Moi aussi.

Paule : J’imagine…

Paul : Nous nous croiserons.

Paule : Sûrement.

Paul : Mais dis-moi Paule, qu’as-tu le temps de faire ces temps-ci ?

Paule : Ecoute, je me le demande… J’ai tout mon temps pris tout le temps.

Paul : Tu es à temps plein.

Paule : Je suis trop à temps trop plein, oui, trop.

Paul : Perds le ! Perds le le temps temps !….

Paule : Je compte bien y arriver un peu. Ce n’est pas facile tous les jours. Me colle à la peau, c’est une ombre qui fait de l’ombre.

Paul : Tu te relèves ?

Paule : Oui, continuons notre chemin.

Paul : Tu as de la poussière au dos.

Paule : Laisse ! Elle s’enlèvera toute seule.

Paul : Le ventilateur de mon ordinateur est en panne.

Paule : Mon fournisseur d’accès a été en rade pendant 3 heures.

Paul : Mon disque dur a rendu l’âme avant-hier, heureusement j’avais fait une sauvegarde sur un disque externe fireware.

Paule : Quelqu’un tente de pénétrer dans mon Personal Computer.

Paul : J’ai un bon coupe-feu et je passe par un proxy anonyme.

Paule : Quand il pleut, je n’ai pas toujours mon parapluie avec moi et quand je l’ai sous la main, il s’ouvre avec le vent et se referme. Je suis trempée aux pieds.

Paul : Boire est nécessaire comme respirer.

Paule : Je bois des tasses le nez au vent.

Paul : Mais Paule !… Il te faut mettre les mains dans le cambouis ! Un ordinateur n’est pas un sèche cheveux : c’est complexe, fragile et le réseau est un sac de nœuds grouillant.

Paule : Je sais bien que ma mise en plis n’est pas de mise. Dés le matin suis toute décoiffée, mon peigne peine à démêler les histoires, me faut faire face au miroir et brosser la tignasse logiquement.

Paul : C’est beaucoup mieux pour ton chapeau. Il tient et toi debout. Tu passerais par un bricolo de coiffeur à la noix qu’il te tondrait la boule et te refilerait pour bonbon une moumoute télécommandée vérolée.

Paule : Mes tifs sont des fils conducteurs !

Paul : Tu devrais mettre un chapeau, le soleil cogne. J’ai la sueur qui coule moi.

Paule : Mettons-nous là, l’ombre est fraîche.

Paul : Quel temps !…

Paule : Nous sommes en hiver et pourtant…

Paul : Le temps passe vite.

Paule : Le temps passe tout le temps.

Paul : Tant qu’il y a du temps…

Paule : Il y a de la vie…

Paul : Pourrait y avoir du temps sans vie.

Paule : Au temps pour moi !…



Paule, Paul.
© Antoine Moreau, septembre 2003/2004
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