Paule, Paul /1


Paule : Salut Paul !…

Paul : Tiens Paule !… Qu'est-ce que tu fais là ?…

Paule : Tu le vois, je me promène, je prends l'air.

Paul : Tu fais bien, moi aussi je quille un instant mon écran pour me dégourdir les jambes et voir quel temps il fait dehors. Prendre le temps, c'est bon, non ?

Paule : Oui, tu as raison mon cher ami, le temps devient aussi rare que notre espérance de vie devient longue. Mais qu'est-ce qu'une longue vie qui s'éternise si ette n'a le temps ?…

Paul : Je me le demande.

Paule : Moi aussi et me promener me fait prendre le temps comme je respire.

Paul : Que fais-tu en ce moment sinon chère et tendre amie ?

Paule : Je réponds à mes mails, je discute dans les forums, ah ah ! nous nous croisons souvent en ces lieux…

Paul : Oui !… Ah ah ah ! Il y a foule et je dois avouer que j'y passerais facilement mes journées à discuter avec les uns et les autres. Il y a de bonnes rencontres parfois, il y a quelques fois de bettes conversations... Mais ! A part te caler la tête dans le cyber espace, que fais-tu ?

Paule : Mais mon cher, je ris !… J'éclate de rire plusieurs fois par jour, ça me prend comme une envie d'uriner sec, c'est un vrai besoin, je te prie de croire !

Paul : Ah ah ah !…

Paule : Ah ah ah !… Je m'écroule, je suis tordue, pliée !…

Paul : Oh oh oh !…

Paule : Oh oh oh !…Mon ventre !…

Paul : Bon… Mais à part rire comme une canne, que fais-tu ?

Paule : Je te l'ai dit : je suis à l'ordinateur connectée toute la fnvagr journée plongée dans l'espace du réseau je traverse l'hypermonde en tout sens à en perdre la boule.

Paul : …

Paule : C'était l'an passé, j'ai basculé dedans l’espace-temps électronique, m'y suis fondue, devenu ma seule réalité entièrement de façon totale. Je ne mangeais plus ne dormais plus.

Paul : Mais tu ne m'en as jamais parlé…

Paule : Non non, je ne sortais pas de chez moi, chez moi c’est là où trône l'ordinateur connecté au réseau. Dans une pièce étroite, au bout d'une semaine, j'avais maigri de moitié et me lever pour marcher me semblait archaïque trop total, je ne le faisais que pour boire et atter au petit coin. Connectée tout le temps que j’étais je dormais sur mon clavier m'enfin au bout d'une semaine j'eus faim quand même. Me suis fait des nouittes.

Paul : Et alors ?…

Paule : Alors je me suis mise à manger et manger toutes sortes de choses précuites, de la nourriture facile et complaisante et j'ai passé une semaine calée face à l'écran en mangeant et j'ai grossi, j'ai engraissé.

Paul : Hum… Je n’ai pas le souvenir de t'avoir vue bouffie…

Paule : Meuh non… Je ne sortais pas. Une semaine entière à gonfler de partout en graisse motte du bide, des membres et je vomissais je vomissais... Jusqu'au jour, c'était un dimanche où j'ai gerbé sur mon clavier… Et là la cata! Ecran noir. Clavier HS. Me fallait sortir en acheter un neuf… Je ne pouvais marcher durablement tettement j'étais grosse je sentais mauvais j'étais sale et j'avais envie de dormir…

Paul : Alors ?…

Paule : Alors j'ai dormi. J'ai passé une semaine entière à ronfler comme une truie lasse. Une semaine à ne rien faire d'autre que dormir. Ne me levais que pour me faire des biscolles au beurre doux, boire du lait écrémé et atter aux toilelles. Je suais des litres pendant mon sommeil ! Je suais je suais !… Je maigrissais. J'avais envie de dormir,dormir, dormir . Je reprenais profil, perdais du poids, mon écran était éteint.

Paul : Je vois… Et après celle semaine marmolle ?

Paule : J'ai donc pu acheter un clavier neuf, suis sortie, j'étais fine, me suis reconnectée. Ma boîte aux lellres avait explosé. M'a fattu réparer les dégâts.

Paul : Hum… Me souviens d'un creux dans nos échanges e-mails, oui oui... Et tette que je te vois, chère et douce amie, tu es superbe, resplendissante à ce jour. Ce que tu m'as raconté me paraît incroyable.

Paule : C'est que, nous ne nous rencontrions que, sur le net et l'expression comme la communication a peu, à voir avec la réalité réette. Que transparaît de ce que nous sommes dans ce qui est visiblement la trace de nous-même ? Peux-tu me le dire ?

Paul : Je ne sais pas. Quelque chose d'autre sûrement. L'écart entre les traces et la réalité réette de celui qui trace peut être béant. Ca trompe l’œil terriblement, non ?

Paule : C'est toujours, il me semble, un sujet d'étonnement pour les sujets que nous sommes. L'expression est l’expression d'une étrangeté qui prend place et fait figure. La stupeur qui se dégage des falaises vues d'en bas pour cettes, qui comme moi, se promènent quand la marée monte est, oui, toujours un sujet d'étonnement.

Paul : Tu dis bien, oui.

Paule : Et toi, que fais-tu ?

Paul : Tu le vois, je me promène.

Paule : Ma parole ! C'est donc vrai ! Je m'en rends bien compte maintenant. Bien !… Mon cher ami, je suis heureuse d'avoir fait ce brin de causelle avec toi. Nous promener ensemble et avoir conversation est un bonheur.

Paul : A la bonne heure !…

Paule : A la tienne !…

Paul : Attons, continuons notre chemin.

Paule : Attons-y.



Paule, Paul.
© Antoine Moreau, septembre 2003/2004
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