De la musique avant toute chose !...

De la musique avant toute chose !...

Paule : Bonjour Paul, comment ça va ?
Paul : Bien ! Et toi ?
Paule : Très bien ! Je fais de la musique !
Paul : De la musique avant toute chose, et pour cela préfère l'Impair, chère Paule...
Paule : Oui Paul !... Plus vague et plus soluble dans l'air,
Paul : Sans rien en lui qui pèse
Paule : Ou qui pose.
Paul : Il faut aussi que tu n'ailles point, Paule, choisir tes mots sans quelque méprise : rien de plus cher que la chanson grise où l'Indécis au Précis se joint.
Paule : Ah Paul !... C'est tes beaux yeux derrière les voiles...
Paul : C'est le grand jour tremblant de midi...
Paule : C'est, par un ciel d'automne attiédi, le bleu fouillis des claires étoiles !
Paul et Paule : Car nous voulons la Nuance encore, pas la Couleur, rien que la nuance !
Paule : Oh Paul ! la nuance seule fiance le rêve au rêve et la flûte au cor !
Paul : Fuis du plus loin la Pointe assassine, l'Esprit cruel et le rire impur, qui font pleurer les yeux de l'Azur, et tout cet art de basse cuisine !
Paule : Je prends l'éloquence et lui tords son cou !...
Paul : Tu feras bien, en train d'énergie, de rendre un peu la Rime assagie.
Paule : Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
Paul : O qui dira les torts de la Rime !
Paule : Quel enfant sourd ou quel nègre fou nous a forgé ce bijou d'un sou qui sonne creux et faux sous la lime ?
Paul et Paule : De la musique encore et toujours !
Paule : Que mon vers soit la chose envolée qu'on sent qui fuit d'une âme en allée vers d'autres cieux à d'autres amours.
Paul : Que ton vers soit la bonne aventure éparse au vent crispé du matin qui va fleurant la menthe et le thym...
Paule et Paul : Et tout le reste est littérature.
Paul : Je t'écoute Paule.
Paule : Écoute la chanson bien douce, Paul, qui ne pleure que pour te plaire, elle est discrète, elle est légère : un frisson d'eau sur de la mousse !
Paul : La voix te fut connue (et chère !), mais à présent elle est voilée comme une veuve désolée, pourtant comme elle encore fière, et dans les longs plis de son voile qui palpite aux brises d'automne, cache et montre au coeur qui s'étonne la vérité comme une étoile.
Paule : Elle dit, la voix reconnue, que la bonté c'est notre vie, que de la haine et de l'envie
rien ne reste, la mort venue.
Paul : Elle parle aussi de la gloire d'être simple sans plus attendre, et de noces d'or et du tendre bonheur d'une paix sans victoire.
Paule : Accueille, Paul, la voix qui persiste dans son naïf épithalame.
Paul : Allez, rien n'est meilleur à l'âme que de faire une âme moins triste !
Paule : Elle est en peine et de passage l'âme qui souffre sans colère.
Paul : Et comme sa morale est claire !...
Paule : Écoute, Paul, la chanson bien sage.
Paul : J'écoute, j'entends, j'ouïs Paule !...
Paule : Jouissons à l'air qui nous enchante.
Paul : Au revoir Paule.
Paule : À bientôt ami fasol.
Paul : Lasido !
Paule : Rémi !
Paul : Paul !...
Paule : Oui ! Paul !...
Paul : Au revoir...
Paule : À bientôt...


"De la musique avant toute chose !...", Antoine Moreau, janvier 2008, un épisode de Paule et Paul,
écrit pour la lettre mensuelle n° 3 de Libre Accès, d'après Paul Verlaine, "Art Poétique", Jadis et Naguère,
et "Écoutez la chanson bien douce", Sagesse
Photographie : "Ameyes joue de la guitare", Arnaud, 2007, http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ameyes.jpg
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