Paule glisse en surface, Paul mate le fond.

Paule glisse en surface, Paul mate le fond.

Paul : Ah Paule !...
Paule : Quoi Paul ?...
Paul : Ça faille de partout ! Les lézards dans les crevasses grouillent.
Paule : Où Paul ?!...
Paul : Tu n'entends pas les craquements en surface ?
Paule : Ces crissements minimes ?...
Paul : Tu ne vois pas le reflet du soleil au sol ?...
Paule : Ça brille, c'est beau !
Paul : J'ai les yeux moi qui souffrent.
Paule : La moire à moi !... Regarde ! Et garde ta prunelle humide.
Paul : Aveugle Paule !
Paule : Non pas !... Je vois clairement, vernie je suis la profondeur de la surface m'est acquise car je glisse.
Paul : Tu as de la chance en effet.
Paule : Ma peau lisse touche !
Paul : Tes ongles brillent.
Paule : C'est joli, n'est-ce pas ?...
Paul : Ça fait de l'effet.
Paule : Il n'en faut pas plus pour glisser de là à là ah là là Paul !
Paul : Et tomber, Paule, dans la vasque vide...
Paule : Mat à toi !... Échec à chaque pas !... Glisse ou meurt Paul !... La surface lisse me garde de la chute dure, ce qui brille m'élève au ciel, je touche à peine terre.
Paul : Et tes yeux ?
Paule : Mes yeux souffrent l'éclat du soleil autant que le bronze de ma peau luit.
Paul : Tes yeux sont secs et ta peau brûle.
Paule : La rosée de ton regard, Paul, m'hu m'humi m'humidifie...
Paul : Paule... Tes cils immenses battent l'air et me font choir.
Paule : Lâche là la prise laisse aller laisse couler dans le sens de l'eau qui tombe tu ne chutes pas tu glisses.
Paul : Au feu qui ne sèche pas même tes larmes de joie Paule tu passes en surface sans creuser au fond tu surfes n'ouïs pas les craquements ne vois pas les lézards ne sens pas la ruine qui t'embaume.
Paule : Sorry Paul... Ma vie passe d'un bord à l'autre.
Paul : Jamais tu ne touches le fond.
Paule : Ah ah ah !... Mon ami !... Tu vas me tordre !... Le fond ?... Nul profond nulle profondeur sauf dans la tombe !...
Paul : Ainsi ça glisse et jamais dans la fosse.
Paule : Mange pas les pissenlits par la racine Paul ! Sème à tout vent !
Paul : Qui sait si tu n'as pas raison au fond ?...
Paule : Pas au fond pas au fond Paul !... Là ! Have a look at my nails !... Shiny isn't it ?...
Paul : À demain Paule.
Paule : Saisis la veine de joie qui t'est offerte de mes larmes de joie coule un sang neuf de joie.
Paul : Le temps ruine ton brillant tu ne le vois pas...
Paule : Je vois ce qui passe ne vois pas le temps passer.
Paul : À demain Paule.
Paule : Demain est une autre veine.
Paul : Tu es vernie Paule.
Paule : À chaque jour suffit sa veine.
Paul : Je suis mat moi.
Paule : Ton jour viendra.
Paul : Demain.
Paule : À demain Paul.
Paul : Les ruines rutilent ?
Paule : Les pissenlits rayonnent !
Paul : Les lézards étincellent ?
Paule : Les craquements scintillent !
Paul : Le temps est un tour de passe-passe ?
Paule : Je passe-passe te voir demain Paule !
Paul : Oui Paule !
Paule : À demain !
Paul : À demain Paule.


Antoine Moreau, « Paule glisse en surface, Paul mate le fond », février 2009, un épisode de Paule et Paul écrit pour le n° 56 de la revue Papiers Libres.
Photographie : peinture n° 1406.
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