Taupe niveau.

Taupe niveau.


Paul : 'jour Paule...
Paule : 'jour Paul...
Paul : La nuit, même noire, est claire.
Paule : Nous y voyons mieux qu'en plein jour.
Paul : Pour sûr !... La journée hallucine la rétine.
Paule : Sous le soleil nous suons.
Paul : Nous vivons mieux dans le noir.
Paule : C'est clair comme on dit de l'eau de roche.
Paul : Les étoiles, ma foi, ne sont pas là pour peau de balle.
Paule : Oh non... Elles luisent et... et... éclairent.
Paul : Mais oui !... Nous y voyons mieux qu'en plein jour !
Paule : Nous y voyons moins loin, nous y voyons mieux près.
Paul : La nuit m'est claire.
Paule : Ah Paul !... Peau contre peau nous partageons l'épiderme à l'abri des regards.
Paul : Pour vivre heureux vivons la nuit.
Paule : Cachés sous la lune, sans soleil nous respirons d'aise.
Paul : Nous n'avons rien à montrer, rien à prouver, nous sommes là à portée de peau l'un l'autre.
Paule : De l'ombre nous sommes. Ce qui se montre par l'ombre n'est pas monstrueux.
Paul : C'est frais c'est vrai.
Paule : Ah !... Nous découvrons ensemble la chose tapie qui veille.
Paul : Elle est là entre nous se dit y'Ha ivfvoyr, y'Ha pbaah, y'Ha fécnenoyr.
Paule : Comme Une Taupe Là... Sous Terre. La Chose. Comme Trésor.
Paul : Ha iragre, yà, l'à fbhssyr, av har av qrhk : Ha, c'est tout et ça valse à trois temps!...
Paule : Je vois que tu vois. La nuit y invite mieux qu'aucun jours, n'est-ce pas ?...
Paul : La chose est grise, sans m'étourdir elle m'élève aux couleurs.
Paule : Elle n'est pas sombre, elle n'est pas lumineuse, elle se fond avec le sol.
Paul : Dessous !... Dessous le sol. C'est taupe niveau chère amie !...
Paule : Taupe là !...
Paul : Il n'y a rien d'autre à voir que le noir profond, s'y frayer un chemin entre éclairs c'est suivre son chemin.
Paule : Avoir l'oeil est-ce cela : y voir dans le noir ?
Paul : Oui ma chère amie l'obscur est frais et vrai il n'effraie que les chats huant qui de peur pissent d'y voir.
Paule : Ce n'est pas tant que nous avançons masqués mais plutôt que nous sommes nous mêmes masques n'est-ce pas ?...
Paul : Tu vois !
Paule : Et que nous poursuivons notre chemin à la bonne étoile. Sans histoire.
Paul : Oui. Gardons-nous de l'éclairage de celle-là, l'étoile déchue, je veux dire le Soleil-Satan.
Paule : Ah !... L'astre qui brûle la rétine si tu le regardes en face.
Paul : Tu sais Paule, depuis que le monde a basculé dans l'obscène, les feux de la rampe nous grillent les poils.
Paule : La transparence nous glace, des yeux partout, même dans le sang.
Paul : Observés nous ne sommes pas vus.
Paule : Dans l'obscène, nous ne sommes pas en scène.
Paul : Nous sommes joués, nous ne jouons pas.
Paule : Ah !... Que viennent les vers de terre !...
Paul : Qu'ils aèrent le sol en gruyère !...
Paule : Il y poussera des chardons marie, des bleuets des champs et des coquelicots. Des sureaux, des buddleias, des mimosas d'hiver aussi.
Paul : Et pas d'histoire ! Nous n'en ferons pas un jardin, c'est le jardin qui nous fera.
Paule : Un serpent sèche au soleil, une taupe se terre à l'abri de l'Oeil.
Paul : Oh !... Mais nous y sommes Paule, la nuit je suis tout ouï à toi.
Paule : Je suis là posée et tu ne prends pas la pose.
Paul : ...
Paule : Hé !... Nous ne sommes plus sous surveillance !...
Paul : Non chère Paule : nous veillons.
Paule : Le jour comme la nuit s'enlacent.
Paul : Nous n'avons rien à faire d'autre que de ne pas nous en faire.
Paule : Ah !... Et tout se fait sans que nous en soyons les auteurs.
Paul : C'est taupe niveau.
Paule : Tu le dis Paul : taupe là.
Paul : Les affaires vont reprendre, c'est l'heure d'aller se reposer.
Paule : À bientôt Paul.
Paul : À bientôt Paule.


« Taupe niveau », un épisode de Paule et Paul écrit pour le n°46 de Papiers Libres.
Copyright : Antoine Moreau, septembre 2006
Photographie : http://adamproject.net/images/10134.jpg
Copyright : Caroline Diaz, 31/12/2003.
Copyleft : ce texte et cette photo sont libres, vous pouvez les copier, les redistribuer et les modifier selon les termes de la Licence Art Libre http://www.artlibre.org